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Soleil Launière donne la place aux enfants pour le coup d’envoi du Festival du Jamais Lu

Un groupe de personne sourit à la caméra

Véritable incubateur dans l’écologie théâtrale, Jamais Lu, qui en est à sa 23e édition (dont les artistes et auteurs sont présents dans la photo), réunit dans une programmation des mises en lecture théâtrale avec des performances inédites, le tout inauguré et clos par des artistes courtisés par la direction.

Photo : David Ospina

La soirée d'ouverture du Festival du Jamais Lu plongera son auditoire dans l'univers du théâtre jeunesse, mais d'une manière hors de l'ordinaire. Sous les projecteurs du Théâtre Aux Écuries ce vendredi, des artistes interpréteront des créations tirées de l'imaginaire d'enfants de 2 à 14 ans, concept élaboré par Soleil Launière.

Quand [Marcelle Dubois, directrice générale et artistique du festival] m'a donné le thème d’Attiser la lumière, j'ai tout de suite pensé aux enfants, lance la Pekuakamiulnu, en entrevue avec Espaces autochtones, entre deux caresses de sa petite Nutei, âgée d’à peine un an.

Originaire de la communauté innue de Mashteuiatsh, cette artiste qui allie le chant, le mouvement, le théâtre, l'installation et l’art performance se plaît à décoloniser les espaces et défaire les frontières placées entre ces espaces, d’où son inspiration d’impliquer les plus jeunes générations.

Intitulé Uasheiau : Trouer les nuages, l'événement – qui se tiendra à guichets fermés – mettra en vedette une douzaine de duos ou trios adulte-enfant qui sont invités à livrer une courte performance, telle qu’imaginée et mise en scène par ces mêmes enfants.

Catherine Boivin, Xavier Watso, Alice Dorval, Papy Mbwiti, Ève Presseault, Sabina Rony, Elkahna Talbi et Hodan Ismaël Youssouf sont les interprètes adultes qui se prêteront au jeu. Ceux-ci provenant de diverses communautés, Soleil Launière s’attend à de riches échanges multiculturels.

Une femme regarde vers le haut près d'une forêt

Soleil Launière, dont la direction de Jamais Lu estime très hautement le travail, s’est vu confier la tâche d’orchestrer un événement évoquant la ligne éditoriale du festival.

Photo : Lucile Parry-Canet

La commande voulait que ces derniers se mettent au service de l'imagination des enfants, issus de leur famille au sens large.

J'ai demandé aux interprètes d'être dans le "oui" total et absolu de ce que les enfants voulaient faire, avance Soleil Launière qui livrera elle-même une performance aux côtés de Nutei et de ses deux belles-filles Éléonore (9 ans) et Élodie (12 ans), tout en animant la soirée.

Au rythme de l’imaginaire des enfants, l’heure sera à trouer les nuages, c’est-à-dire de de laisser passer les rayons de lumière et la beauté de la chaleur des enfants dans tout le noir qu'on peut voir dans le futur, aux dires de l’artiste ilnue.

La thématique retenue se veut par ailleurs un retour du balancier des éditions précédentes.

Pendant plusieurs années, on recevait des textes beaucoup plus angoissés ou terrorisés par une espèce de fin du monde ou une espèce de catastrophe annoncée. On sentait que l'esprit était très morose, dur, pessimiste, souligne Marcelle Dubois, directrice artistique et générale depuis 23 ans à Jamais Lu.

C'est peu dire parce que tout le monde constate que les guerres, l'écologie, l'économie sont des sujets très préoccupants. Mais on a l'impression cette année que les auteurs sont plus dans une quête d’un sens commun pour avancer collectivement dans ces sujets-là, poursuit-elle, constatant qu’il y a eu un renversement de l'angoisse à la proactivité dans cette constatation de l'état du monde.

Pour sonner le coup d’envoi de la programmation autour de cette thématique évoquant la lumière et le rayonnement, Soleil Launière paraissait aux yeux de Mme Dubois la personne toute désignée : C'est une artiste éminemment positive et calme qui apporte avec elle une dose d'apaisement.

Le Festival du Jamais Lu présente depuis 2002 une sélection de pièces de théâtre en construction et des textes inédits qui n'ont encore jamais été lus devant un public.

Se laisser inspirer par les enfants

Cet évènement ludique s’inscrit dans une des principales sources d’inspiration de Soleil Launière par les temps qui courent : les échanges intergénérationnels.

Autant qu’il faut écouter nos aînés, s'asseoir devant eux et écouter leur connaissance, autant qu'il faut s'asseoir devant nos enfants et apprendre de leurs instincts, affirme la jeune mère.

Je ne sais pas si c'est plus important pour moi de parler de l'enfance que c'est pour nous d'écouter l'enfance

Une citation de Soleil Launière

L'artiste ilnue y voit justement un cycle qui lie ces deux générations. Rendue une personne âgée, t’es tombée pas mal de fois, ça ne te dérange pas de tomber, t'es rendue ailleurs dans ta vie et tu reviens à ce que l'enfant était au départ, fait-elle remarquer, qualifiant au passage les interactions entre les aînés et les enfants de magie.

Les adultes, extirpés de la phase instinctive de l'enfance à coup de barrières, se situent, toujours selon elle, dans un entre-deux où tous ont peur de tomber.

Valoriser à travers ses œuvres une approche dite autochtone du développement des enfants qui leur accorderait une plus grande autonomie, voilà autant d'efforts que Soleil Launière déploie pour tenter de décoloniser les espaces artistiques de même que son propre quotidien.

C'est d'autant plus vrai que, depuis que sa jeune Nutei la suit partout dans son quotidien, elle apprécie le beau chaos qui en découle et le fait que les espaces deviennent moins sérieux.

Occuper la scène en toute authenticité

Il ne faut cependant pas voir dans ces efforts susceptibles de sensibiliser son public une mission qui meut Soleil Launière, bien que celle-ci constate que son public élargit ses horizons naturellement lorsqu’elle suit son cœur.

J'ai juste le goût d'être dans le bonheur quand je crée. Je n'ai pas envie de penser à changer le monde, mais j'ai juste envie d'être dans la vibration de cœur.

Une citation de Soleil Launière

Celle-ci se désole en effet de la pression écrasante qui découle des attentes de la société envers les personnes autochtones à qui la responsabilité d’éduquer reviendrait.

J'ai trouvé ça dur à un moment de devoir porter non seulement tout le poids de la connaissance autochtone, mais en plus de devoir rééduquer toutes les personnes allochtones, se rappelle amèrement Soleil Launière, elle-même aux prises avec un processus de réappropriation culturelle.

La direction du festival apprécie d’ailleurs grandement la perspective qu’ajoute Soleil Launière à la représentation de la mosaïque culturelle de Montréal qu’elle tente d’incarner le plus fidèlement possible à travers l’imaginaire d’individus distincts.

Aux dires de Marcelle Dubois, la présence de Soleil Launière à Jamais Lu va bien au-delà de la diversité de façade, communément appelée « tokénisme ».

Quand je parle de pertinence et de représentativité du paysage de la dramaturgie et de notre culture émergente en 2024, la question des paroles autochtones en fait partie de façon intrinsèque, relate-t-elle.

Une femme sourit sur scène devant un micro.

Marcelle Dubois, cofondatrice de Jamais Lu, considère que « les artistes autochtones ont une place [au festival], au même titre que n'importe quel autre artiste ».

Photo : David Ospina

Celle-ci se réjouit aussi qu’un lien de confiance se crée, constatant que les soumissions d’écrits autochtones se font de plus en plus nombreuses chaque année.

Si ces communautés autochtones pensent que leurs paroles font partie du paysage du Jamais lu et se sentent les bienvenus dans ce panorama de la dramaturgie contemporaine en 2024, pour moi on a réussi quelque chose de beau, affirme-t-elle.

Bien que Soleil Launière se dise grandement impressionnée par les œuvres de ces artistes autochtones émergents, elle est toutefois d’avis qu’il y aurait place à une présence autochtone plus importante et diverse dans la sphère artistique.

Le Festival du Jamais Lu, qui se déroule jusqu'au 11 mai, verra une autre personne autochtone s’illustrer.

Présentée gratuitement vers 18 h dans le café du Théâtre Aux Écuries, la performance Gespeg de l'artiste mi’gmaw Alexia Vinci évoquera son rapport à la territorialité et à celle de sa communauté à travers l’histoire de la guerre du saumon. C’est d’ailleurs le contraste entre ce fond politique et sa forme tendre et belle qui a su plaire à Mme Dubois.

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