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ArchivesMarcel Ouimet, la guerre et la radiodiffusion canadienne

Juché sur une butte sur le front italien, le correspondant de guerre Marcel Ouimet, portant un casque militaire, enregistre un
reportage un micro à la main.

Marcel Ouimet est une figure importante dans l'histoire de Radio-Canada.

Photo : Radio-Canada

Radio-Canada

Reporter de guerre, rédacteur en chef du premier service de nouvelles de Radio-Canada, puis vice-président et directeur général du réseau français, Marcel Ouimet a forgé les débuts de la radiodiffusion canadienne. Portrait d’un pionnier de Radio-Canada.

Marcel Ouimet fait son entrée à Radio-Canada comme annonceur bilingue en juillet 1939.

Le radiodiffuseur public n’a pas encore trois ans et s’apprête à informer les Canadiens du plus important conflit du XXe siècle : la Deuxième Guerre mondiale.

À l’époque, la société d’État ne compte pas de véritable service de nouvelles.

À Montréal, par exemple, des dépêches de la Canadian Press sont livrées par des messagers à vélo, puis sont traduites et lues intégralement en ondes par les annonceurs de Radio-Canada.

Marcel Ouimet a préalablement travaillé au journal Le Droit et a étudié le journalisme à Paris.

Lorsque le Canada entre en guerre, le 10 septembre 1939, Radio-Canada cherche à établir son propre réseau d'information.

C’est à lui que la direction confie la mise sur pied d’un service de nouvelles qui puisse renseigner les auditeurs de façon rapide, complète et objective.

Marcel Ouimet est alors âgé de 25 ans. Le 2 janvier 1941, il devient officiellement le chef de la première salle de rédaction du réseau français de Radio-Canada.

Le directeur de la radio de la Société Radio-Canada, Marcel Ouimet, assis à son bureau, en 1947.

Marcel Ouimet s'est vu confier plusieurs postes de direction durant sa carrière à Radio-Canada.

Photo : Radio-Canada / Roméo Gariépy

À l’émission Radio d'hier, radio d'aujourd'hui du 13 juillet 1974, il parle de l’instauration du service de nouvelles à Montréal.

Tout est à faire, à commencer par la simple acquisition d’un téléscripteur pour recevoir les dépêches des agences de presse.

Dès la première année, le service de nouvelles doit gagner une crédibilité. La BBC de Londres demeure la référence.

De nouvelles règles journalistiques sont établies : les communiqués des gouvernements ne peuvent plus être diffusés tels quels, les bulletins ne doivent pas être commandités, le matériel de propagande doit être rejeté.

Les directeurs des différents services de nouvelles de Radio-Canada au pays posent devant un poste de radio surmonté d'un microphone de la CBC.

Marcel Ouimet avec les autres chefs des services de nouvelles de Radio-Canada au pays, dont Dan McArthur, chef de la salle de rédaction du réseau anglais à Toronto

Photo : Radio-Canada

Marcel Ouimet ne dispose que d’une équipe de six journalistes pour faire fonctionner le service de nouvelles de Montréal.

Ils doivent rédiger les quatre bulletins de nouvelles bilingues de 15 minutes de la journée, auxquels s’ajoutent des bulletins éclair diffusés à l’heure.

En plus de diriger la salle de rédaction, Marcel Ouimet est lui-même présentateur.

Il fait chaque soir la lecture du radiojournal de 18 h 15, comme il le rappelle à l’animateur Pierre Dagenais dans notre extrait radiophonique.

Le réseau français de Radio-Canada

  • Dès 1941, Radio-Canada se dote de la plus puissante station à ondes courtes au pays. Elle permet ainsi de diffuser des programmes du réseau français vers les régions de l'Ouest.
  • En plus de CBF à Montréal, les stations régionales CBV à Québec et CBJ à Chicoutimi voient le jour entre 1939 et 1945.
  • Canadian Broadcasting French : telle est la signification de l'acronyme CBF, la radio française de Radio-Canada pour la région de Montréal.
  • Au début des années 1940, Radio-Canada, avec ses seules stations, réussit à rejoindre 60 % de la population québécoise. Les affiliations avec des postes de régions isolées permettent à la société d'État d'augmenter le rayonnement de ses programmes à près de 75 %. Aucun autre poste ne fait mieux.

Nous étions malheureusement obligés pendant des années de n’annoncer que de mauvaises nouvelles! Ça a été une série de catastrophes : la chute de la France, l’invasion de la Russie…

Une citation de Marcel Ouimet, à l’émission « Radio d'hier, radio d'aujourd'hui »

Le premier correspondant envoyé outre-Atlantique par Radio-Canada est Gérard Arthur, en 1940. Il est ensuite remplacé par Jacques Desbaillets, qui rentre à Montréal en juin 1942. Ils sont surtout basés à Londres et envoient leur information de là-bas.

Le seul qui voyage un peu est Édouard Beaudry. Le journaliste d’origine belge meurt dans un accident d'avion en janvier 1943. Il avait été envoyé à la conférence de Casablanca pour couvrir la rencontre entre Winston Churchill et Franklin Roosevelt.

Marcel Ouimet se tient debout sur les marches de débarquement d'un avion, avec une petite valise d'équipement radio.

Pour Marcel Ouimet, la correspondance à l'étranger représente un sommet dans la carrière d'un journaliste.

Photo : Radio-Canada / JAC-GUY

Marcel Ouimet se voit offrir de partir à son tour au sein d’une équipe de correspondants de guerre de langue française dont il aura la responsabilité.

Dans le temps, la correspondance à l’étranger était sûrement le sommet pour un journaliste, confie-t-il à l’animateur Pierre Dagenais en 1974.

Le 6 juin 1943, Marcel Ouimet embarque pour l’Europe avec les journalistes Benoit Lafleur et Paul Barette.

Au cours de son séjour qui s’étirera sur 18 mois, le correspondant de guerre produira près de 200 reportages sur le front, majoritairement en français, mais aussi en anglais.

Le correspondant de guerre

Comme correspondant de Radio-Canada, Marcel Ouimet accompagne les troupes canadiennes et britanniques sur le front.

En sillonnant les champs de bataille d’Europe, il devient les yeux et les oreilles de l'Amérique francophone, mais il risque aussi tous les jours sa vie comme un simple soldat.

Avec ses confrères journalistes, Marcel Ouimet travaille d’abord à partir des studios de la BBC en attendant l’autorisation de rejoindre les troupes alliées sur le terrain.

Sa première affectation a lieu en septembre 1943.

Le reporter Marcel Ouimet accompagne la 1re division canadienne qui prend d’assaut le sud de l’Italie dans le cadre de l’opération Baytown.

La campagne d’Italie

Pendant toute la durée de cette campagne, les reportages de Marcel Ouimet connaissent un retentissement national et même un rayonnement international.

Le correspondant se distingue par son ton juste, sa précision et ses descriptions remplies d’images.

Il ne se contente pas de rapporter les événements. Il leur donne une authenticité et une chaleur humaine en les associant aux hommes qui les vivent.

Déclaration télévisée de Marcel Ouimet, le 4 mars 1961

Ce reportage de guerre de Marcel Ouimet, auquel nous avons ajouté des images, illustre bien comment le journaliste parvient à décrire des événements hors du commun dans un langage vivant.

Comme les soldats de la 1re division canadienne et de la 1re brigade blindée de l'armée canadienne, Marcel Ouimet passe la période des Fêtes de 1943 sur le front en Italie.

En ce jour de Noël – le premier pour les militaires canadiens loin de leur famille –, les combats n’ont pas connu de trêve. Les canons des Allemands ont tonné toute la journée.

Du côté des Alliés, le corps médical a eu la délicate attention de chanter des cantiques de Noël pour les blessés.

Ce moment de paix et de sérénité inspire Marcel Ouimet, qui raconte avec émotion ce Noël de 1943 sur la ligne de feu.

Le débarquement de Normandie

La campagne d'Italie se termine au printemps de 1944 pour le reporter de guerre. Il est rappelé à Londres pour couvrir une nouvelle campagne, celle du nord-ouest de l'Europe.

Et pour cause : les Alliés s'apprêtent à effectuer le plus grand déploiement militaire de l'histoire, soit le débarquement de Normandie.

Neuf correspondants accompagnent les troupes canadiennes pour l’opération Overlord. Marcel Ouimet est le seul francophone.

Débarqué sur la plage de Bernières-sur-Mer deux heures après les premières vagues d'assaut, le journaliste canadien produit une série de reportages qui ont une valeur historique inestimable.

Son reportage du jour J figure parmi les cinq premiers diffusés partout sur la planète. Il s’agit aussi du seul en français, la radio française étant tenue au silence sous l’occupation allemande.

Le travail journalistique de Marcel Ouimet et les liens qu’il tissera avec la population française font de lui une figure respectée de l’autre côté de l’Atlantique.

Le journaliste Jean-François Bélanger a pu le constater lors de son passage à Bernières-sur-Mer pour le 75e anniversaire du débarquement de Normandie.

La victoire des Alliés

Marcel Ouimet accompagne par la suite les troupes canadiennes qui participent à la libération de Caen, de Paris, des Pays-Bas et de la Belgique.

Le 30 avril 1945, Adolf Hitler se suicide.

Marcel Ouimet en fait l'annonce dans ce reportage du 3 mai 1945. Il se trouve alors en Hollande.

À l'extérieur, Marcel Ouimet, assis par terre, une machine à écrire sur les cuisses et à côté de lui, un micro sur trépied.

Marcel Ouimet sur le terrain, en 1945

Photo : CBC

La mort de Hitler – si mort il y a eu et s’il ne s’agit pas d’un macabre stratagème de ses partisans ou de ses gardes du corps les plus dévoués – nous a surpris hier soir à Weimar.

Une citation de Marcel Ouimet

De 24 heures en 24 heures, la situation évolue avec tant de vitesse qu’il n’y a plus moyen de vous en donner une vue d’ensemble, exprime le journaliste en confirmant la reddition des troupes allemandes en Italie et en Autriche.

Peut-être avons-nous tant attendu ces développements que maintenant nous avons peine à les croire.

En apprenant la nouvelle, le reporter de guerre s’est rendu dans quelques villes allemandes, où il a pu constater le piteux état des troupes et de la population allemande.

La destruction terrible dont elles [les villes allemandes] ont été l’objet a développé chez leurs habitants une apathie qui fait qu’aucune catastrophe nouvelle ne peut les surprendre davantage. Pas même la nouvelle de la mort d’Hitler ne semblait vouloir les tirer de l’abîme où ils sont plongés.

Une citation de Marcel Ouimet

L'Allemagne capitule quelques jours plus tard, le 7 mai 1945.

Le reporter de guerre vit ce moment historique sur place, en Allemagne, avec le régiment de la Chaudière.

Lettre de Marcel Ouimet dactylographiée sur du papier à lettres du Führer et accompagnée de décorations militaires nazies.

Le directeur général de Radio-Canada, Augustin Frigon, reçoit du reporter de guerre Marcel Ouimet des objets qu'il a récupérés dans le bunker d'Hitler.

Photo : Radio-Canada / «Radio», le magazine du personnel de Radio-Canada, août 1945

Marcel Ouimet est d’ailleurs l’un des seuls journalistes des pays alliés à être autorisé à pénétrer dans ce qu’il reste de la chancellerie de Hitler, le fameux bunker.

Il en rapporte quelques souvenirs, comme en témoigne cette missive écrite avec du papier à lettres du Führer auquel il joint trois grades de décorations nazies.

Marcel Ouimet pose en regardant son insigne de l'Ordre de l'Empire britannique placé dans un coffret.

Marcel Ouimet avec son insigne de l'Ordre de l'Empire britannique

Photo : Radio-Canada

Marcel Ouimet demeure en poste en Europe jusqu’en août 1945 afin notamment de couvrir le procès du maréchal Pétain.

À la fin de la guerre, il se voit décerner l'Ordre de l‘Empire britannique (OBE).

Le fait français à Radio-Canada

De retour de son périple, Marcel Ouimet aurait bien aimé continuer à pratiquer le journalisme, mais ses patrons ont une autre vision de sa carrière.

En 1945, il est d’abord nommé directeur des causeries et des affaires publiques. Il accède par la suite à différents postes de direction de l'information et de la programmation de Radio-Canada.

Comme vice-président de Radio-Canada et directeur général de la radiodiffusion française, il se donne comme mission que tous les francophones du pays aient accès à de l’information de qualité dans leur langue.

Il lance parallèlement différents programmes pour faire rayonner la culture francophone, tels que le Concours des futures étoiles ou le Concours dramatique de Radio-Canada.

Déclaration télévisée de Marcel Ouimet, le 4 mars 1961

Comme en témoigne cet exposé daté du 4 mars 1961, Marcel Ouimet parvient effectivement à accroître le rayonnement du réseau français aux quatre coins du pays.

Sous sa direction, Radio-Canada acquiert notamment des postes de radio dans l'Ouest canadien et s’assure de présenter une programmation en français dans les nouvelles stations de télévision.

Graduellement, le réseau rejoint ceux des nôtres qui, courageusement et avec ténacité, se cramponnent à la culture française dans les provinces à majorité anglophone.

Une citation de Marcel Ouimet, en 1961
Dans un bureau, à Radio-Canada, le secrétaire du Concours dramatique de Radio-Canada, Jean-Jules Trudeau (debout), et le directeur du réseau français de Radio-Canada, Marcel Ouimet, assis derrière une pile de textes reçus dans le cadre du concours.

Le directeur du réseau français de Radio-Canada Marcel Ouimet évalue les textes reçus dans le cadre du Concours dramatique de Radio-Canada de 1952.

Photo : Radio-Canada / JAC-GUY

Il fallait quand même sortir du Québec, alimenter d’autres francophones, au Nouveau-Brunswick, en Ontario, dans les Prairies, raconte Marcel Ouimet dans Circuit fermé, le journal du personnel de Radio-Canada, lors de sa retraite en novembre 1975.

Si la radio française existe aujourd'hui d'un océan à l’autre, je peux dire que j'y ai été pour quelque chose.

Marcel Ouimet est décédé le 5 mars 1985 à Ottawa.

Tout au long de sa carrière, le Franco-Ontarien aura travaillé à faire résonner la langue française au Canada et bien au-delà de ses frontières.

Son héritage radio-canadien l’illustre bien.

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