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Air Canada toujours dans le viseur du commissaire aux langues officielles

Un avion d'Air Canada décolle.

« La baisse des plaintes relevée en 2021-2022 semble essentiellement attribuable à la pandémie et à la diminution des déplacements aériens », a observé le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge.

Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes

Les années se suivent et se ressemblent pour Air Canada. De toutes les institutions fédérales liées au secteur des transports, l’entreprise dont le siège social est à Montréal fait figure de cancre avec 276 plaintes recevables en matière de services linguistiques, révèle le rapport annuel 2022-2023 du commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge.

Air Canada avait fait l’objet de 2680 plaintes dans le rapport 2021-2022 à la suite d’un discours prononcé uniquement en anglais par le PDG du transporteur, Michael Rousseau, qui s’était vanté d’être en mesure de vivre à Montréal depuis plusieurs années sans avoir appris le français.

Bien que nous prenons très au sérieux chaque plainte, il est important de noter que pour l'année visée par le rapport, Air Canada a transporté 40 millions de passagers qui ont en moyenne 4-5 interactions avec nous, a réagi l'entreprise par écrit.

Même si le nombre de plaintes à l’encontre d’Air Canada a diminué par rapport à 2021-2022, les données de 2022-2023 sont trois fois supérieures à la moyenne annuelle enregistrée dans la dernière décennie, note-t-on dans le rapport.

C’est frustrant. […] Ça serait vraiment un coup de circuit si, une année, on n’avait pas à rapporter sur Air Canada, a laissé tomber le chien de garde en matière de langues officielles en conférence de presse mardi.

Peu de grandes entreprises canadiennes, dont aucun autre transporteur aérien, sont assujetties à cette exigence, a ajouté Air Canada dans sa déclaration. Nous relevons ce défi depuis plus de 50 ans, dans une industrie aux règles complexes, tout en servant nos clients en plus de 20 langues dans 51 pays en plus du Canada.

Le nombre de plaintes que je reçois dans ce domaine affiche globalement une tendance à la hausse, note M. Théberge, soulignant que ce problème est sur le bureau du commissaire depuis environ 10 ans.

La baisse des plaintes relevée en 2021-2022 semble essentiellement attribuable à la pandémie et à la diminution des déplacements aériens.

Une citation de Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles du Canada
Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, présente son rapport annuel aux médias.

« C’est frustrant. […] Ça serait vraiment un coup de circuit si, une année, on n’avait pas à rapporter sur Air Canada », a laissé tomber le chien de garde en matière de langues officielles en conférence de presse mardi.

Photo : Radio-Canada / Benoît Roussel

En 2023, ces institutions n’ont plus d’excuse. Il est plus que temps qu’elles prennent des mesures vigoureuses pour assurer d'offrir des services de haute qualité à l’ensemble des voyageurs dans la langue officielle de leur choix, a-t-il ajouté en conférence de presse.

Les autorités aéroportuaires du pays sont aussi, chaque année, la cible d’un nombre élevé de plaintes. L'an dernier, la Commission a reçu 77 plaintes visant ces institutions.

L’Administration des aéroports du Grand Toronto et l’aéroport international de Vancouver sont ceux que le public voyageur a le plus visés cette année, avec 12 plaintes chacun, suivi de Moncton (8), de Saint-Jean, T.-N.-L. (8), de Montréal (7) et de Calgary (7). Les 23 autres plaintes sont réparties parmi 11 autres aéroports.

Les manquements à la Loi sur les langues officielles concernent surtout la langue des services et le recours à l’offre active verbale (36 plaintes), l’affichage et l’application des règles sur l’offre active écrite (29), les communications par téléphone (6) et le bilinguisme dans les services rendus par des tiers, comme les restaurants (4).

Bientôt, le bureau du commissaire sera en mesure de mettre les fautifs à l'amende. Présentement, il ne peut que faire des recommandations et se fier à la bonne volonté des institutions fédérales pour leur mise en œuvre.

Je suis satisfait du fait que le projet de loi C-13 m’accorde de nouveaux pouvoirs. Grâce aux accords de conformité que les prochains commissaires et moi-même pourrons négocier, aux ordonnances que nous pourrons rendre, aux sanctions administratives pécuniaires que nous pourrons imposer […] nous serons mieux à même d’assurer l’application de la Loi sur les langues officielles que par le passé.

Une citation de Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles du Canada

Il souligne que depuis l'entrée en vigueur de la loi, il y a plus de 50 ans, le Commissariat a reçu plus de 60 000 plaintes, sans que les institutions fédérales ne modifient leur comportement, parce que les outils à notre disposition sont très peu contraignants.

Il précise que la majorité des plaintes, tous domaines confondus, concernent un manque de services en français. Au total, 1788 plaintes ont été jugées recevables par le chien de garde des langues officielles du 1er avril 2022 au 31 mars 2023.

Bilinguisme et numérique ne font pas bon ménage

Le bilinguisme est mis à mal dans l’univers numérique, un aspect considérable dans un contexte de transformation du marché du travail vers un modèle hybride avec le télétravail.

Cette hausse découle aussi de la place grandissante que jouent les technologies dans nos sociétés et de l’incapacité trop fréquente des institutions à s’en servir dans le plein respect des droits des francophones et des anglophones.

Une citation de Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles du Canada

En effet, 17 des 29 plaintes sur l’affichage et l’application des règles sur l’offre active écrite visant les aéroports cette année concernaient l’utilisation du français et de l’anglais sur le web et dans les médias sociaux.

On croyait il y a 10 ans que le recours aux technologies numériques permettrait aux institutions fédérales de combler certaines lacunes en matière de langues officielles, par exemple, d’automatiser certains processus pour pallier leur manque de ressources bilingues, souligne le commissaire. Force est d’admettre que cette vision ne s’est pas encore pleinement réalisée.

Raymond Théberge appelle les institutions fédérales à prendre des mesures vigoureuses pour assurer l’offre de services en français et en anglais de haute qualité au public voyageur.

Il recommande à la présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, et au ministre des Transports, Omar Alghabra, d'élaborer des outils et des lignes directrices sur les obligations des administrations aéroportuaires et de les leur communiquer d'ici le 31 mars 2024. Ces derniers auront jusqu’au 30 juin 2025 pour soumettre un plan d’action afin de s’acquitter de leurs obligations.

Le bilinguisme dans la fonction publique

La partie V de la Loi sur les langues officielles qui touche la langue de travail prévoit que le français et l’anglais sont les langues de travail des institutions fédérales, rappelle le commissaire.

L’année dernière, 207 plaintes en matière de langue au travail ont été jugées recevables.

Un écusson placé sur une chemise, sur lequel est écrit RCMP GRC police.

43 plaintes relatives au bilinguisme dans la fonction publique ont été jugées recevables du 1er avril 2022 au 31 mars 2023. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Ben Nelms

Ces plaintes visaient surtout la Gendarmerie royale du Canada (43 plaintes), le ministère de la Défense nationale (28), Services publics et Approvisionnement Canada (21), l’Agence des services frontaliers du Canada (20), Services partagés Canada (11) et Affaires mondiales Canada (10).

Dans 79 % des cas, les plaintes portaient sur un incident relatif à l’utilisation du français.

Deux explications ressortent du rapport : un changement dans la gouvernance et des lacunes dans la cueillette des données.

Un comité de ministres appuyé par un comité de sous-ministres servait jadis de forum pour faire progresser la question des langues officielles au sein du gouvernement du Canada, [mais] ce forum a été remplacé depuis par un comité de sous-ministres adjoints, a noté M. Théberge.

Le changement de gouvernance a pu, au fil du temps, contribuer à une perte de visibilité du dossier au sein même de la fonction publique fédérale, constate le commissaire.

Cela renvoie à l’ensemble de la fonction publique le signal que les langues officielles n’ont plus, de nos jours, le caractère prioritaire qu’elles revêtaient auparavant, analyse-t-il.

Ensuite, le retrait de questions sur les langues officielles du Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux, après 2017, ne permet plus de mesurer l’évolution de certaines données sur la langue de travail.

Raymond Théberge a eu une rencontre fructueuse avec la greffière du Conseil privé, Janice Charette – la dirigeante de la fonction publique fédérale – en décembre 2022 pour lui rappeler qu’il s’agit d’un enjeu prioritaire.

Janice Charrette et Nathalie Drouin à la barre des témoins.

Janice Charrette, greffière du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, et Nathalie Drouin, sous-greffière du Conseil privé et secrétaire associée du Cabinet, témoignent à la commission Rouleau, le 18 novembre 2022.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Il recommande donc à la présidente du Conseil du Trésor, à la ministre des Langues officielles et à la greffière du Conseil privé de travailler de concert, d’ici la fin de juin 2025, de définir des moyens concrets pour mettre en évidence la place des langues officielles au sein de la fonction publique fédérale et pour mesurer la capacité réelle des fonctionnaires fédéraux à travailler dans la langue officielle de leur choix.

Il recommande par ailleurs de mieux évaluer le rendement des hauts fonctionnaires à adopter des comportements exemplaires au sens de la Loi sur les langues officielles, puisque le cadre actuel ne permet pas véritablement, dans sa forme actuelle, de [le] mesurer au fil du temps.

Enfin, il recommande d’augmenter les attentes envers les sous-ministres, dont les critères de sélection ne comprennent pas d’obligations linguistiques, et que leurs capacités soient évaluées annuellement autour d’une série d’indicateurs clairs, robustes et récurrents, peu importe l’outil utilisé pour mener un tel examen.

Il suggère de s’inspirer des processus mis en place par le gouvernement pour s’assurer d’avoir des juges bilingues.

Les plaintes relatives à la désignation linguistique des postes

Le Parlement d'Ottawa en soirée.

Dans la région de la capitale nationale fédérale (Ottawa), 893 plaintes ont été jugées recevables, soit environ 50 %. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Michel Aspirot

La désignation linguistique des postes, l’article 91 de la Loi sur les langues officielles, a fait l’objet de 714 plaintes, un nombre trois fois plus élevé que celui enregistré l’an passé (204).

L’article 91 prévoit que dans les régions désignées bilingues, comme la capitale nationale fédérale, le gouvernement doit désigner des postes bilingues et embaucher des gens qui respectent des exigences linguistiques qui ne sont pas établies de façon arbitraire ou injuste.

Les plaintes portent essentiellement sur le caractère arbitraire des exigences. Il s’agit d’un manquement sérieux, déplore Raymond Théberge dans son rapport.

En 2020, il avait analysé qu’il s’agissait d’un enjeu systémique et recommandait que le Conseil du Trésor révise les politiques et les outils relatifs à l’article 91 et s’assure, en collaboration avec l’École de la fonction publique du Canada, que les formations offertes à ce sujet sont adéquates et répondent aux besoins des institutions.

Le Secrétariat a présenté à mon équipe une stratégie en décembre 2022. J’aurais nettement préféré que cette date marque la fin de la mise en œuvre du plan "article 91" de cet organisme central plutôt que le début. Je demande au Secrétariat d’accélérer la cadence et de veiller à déployer sa stratégie avec vigueur dès les prochains mois.

Une citation de Raymond Théberge, Commissaire aux langues officielles du Canada

Ce plan, dit-il, doit être mis en œuvre au plus tard en juin 2025.

Plan d’action sur les langues officielles

Ginette Petitpas Taylor prononce une allocution sur un fond rouge. Les mots « Plan d'action pour les langues officielles 2023-2028 » sont écrits derrière elle sur le mur.

La ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, prend la parole lors d'une annonce sur le Plan d'action pour les langues officielles, le 26 avril 2023 à Ottawa. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

Le premier ministre Justin Trudeau et la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, ont annoncé en avril le plan d'action 2023-2028 pour la promotion et la protection des langues officielles au pays; une stratégie dotée d'investissements de 4,1 milliards de dollars.

L'annonce de ce plan a coïncidé avec l'ouverture de l'étude en troisième lecture, à la Chambre des communes, du projet de loi C-13 qui vise à réformer la Loi sur les langues officielles.

Dans un rapport présenté sur ce plan en mai 2022, M. Théberge révèle que certaines lacunes importantes gagneraient à être corrigées. Il pointe du doigt les difficultés à attribuer rapidement les fonds et les processus de reddition de comptes qui représente un fardeau considérable.

C’est clair que le français est une langue qui est secondarisée et j’espère que C-13 et le nouveau plan d’action vont être en mesure de recentrer la protection des langues officielles dans la fonction publique, d'une part, mais aussi de s’assurer qu’on prend les mesures pour protéger le français, qui est la langue minoritaire.

Une citation de Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles du Canada

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