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C-18 : Google et Meta « veulent faire du Canada un exemple »

Le logo de Meta, maison mère de Facebook, Instagram et Whatsapp, devant celui de Google.

Après Meta, Google met de la pression sur le gouvernement canadien à la suite de l'adoption de la loi forçant les géants du web à rémunérer les médias pour leur contenu lorsqu'il est partagé ou utilisé en ligne.

Photo : Reuters / Dado Ruvic

La levée de boucliers de Google et de Meta, à six mois de l’entrée en vigueur de la Loi sur les nouvelles en ligne, en a étonné plus d’un au pays. Et si le message des géants du web n’était pas destiné au Canada, mais bien aux autres États qui songent à leur serrer la vis encore davantage? C’est l’analyse qu'en font des experts consultés par Radio-Canada.

En entrevue sur les ondes d'ICI RDI, le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, a déclaré qu'il était surpris de la réaction de Google, entre autres parce que la loi prévoit un intervalle de six mois avant son entrée en vigueur afin d'élaborer les règlements et les détails du nouveau cadre législatif. De plus, il a souligné que les discussions en cours sont plutôt positives.

Le Canada ose aller de l'avant, ose tenir tête aux géants du web, et ils ne l'acceptent pas. Ils essaient d'envoyer un message non seulement au Canada, mais aussi à la France, à l'Angleterre, à l’Allemagne et aux États-Unis. Nous, on va continuer à se tenir debout.

Une citation de Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien

Même son de cloche du côté du professeur à l’École des médias de l’UQAM Jean-Hugues Roy, pour qui l’annonce de Google de bannir les liens des médias sur ses plateformes est surprenante. Surtout lorsqu’on compare cette réaction à celle, plus mesurée, du géant numérique lors de l’adoption d’un cadre législatif similaire en Australie en 2021.

Un homme aux cheveux blancs discute devant un micro au studio 17 de Radio-Canada.

Le professeur de journalisme Jean-Hugues Roy (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Stéphanie Dupuis

Bras de fer entre les géants du web et Ottawa

Consulter le dossier complet

Deux mains se touchent.

Google avait toujours été bon joueur, note-t-il en entrevue à ICI RDI, faisant référence aux méthodes d’intimidation qui avaient surtout été adoptées par Meta, la maison mère de Facebook, Instagram et Whatsapp, dans les négociations avec l’Australie.

Selon M. Roy, une piste de réponse réside dans le porteur du message, le président des affaires mondiales chez Google et Alphabet, Kent Walker. Ce n’est pas anodin.

Le message vient de très haut et, d’après moi, il ne s’adresse pas à M. Rodriguez, mais le message s’adresse d’abord et avant tout aux élus californiens, qui sont en train de travailler sur un projet de loi qui va beaucoup plus loin que C-18.

Une citation de Jean-Hugues Roy, professeur à l’École des médias de l’UQAM

Le jeu se joue à l'extérieur de nos frontières, a-t-il ajouté à l’émission 24•60 sur les ondes d'ICI RDI. Le projet de loi a été examiné par le Sénat de la Californie, où les sièges sociaux des deux entreprises se trouvent, et des audiences parlementaires sont prévues à partir du 11 juillet.

Alors que la Loi sur les nouvelles en ligne adoptée par le Parlement canadien le 22 juin oblige les géants numériques à négocier avec les médias canadiens, leurs homologues américains n’auraient, eux, qu’à lever la main pour réclamer les redevances auxquelles ils sont admissibles, explique-t-il.

Ces redevances seraient versées mensuellement et les géants du web devraient tenir un registre des contenus médiatiques publiés sur leurs plateformes.

Bref, ils ont très peur de ce projet de loi qui a l’assentiment à la fois des démocrates et des républicains, ce qui arrive rarement aux États-Unis, analyse Jean-Hugues Roy. Ils veulent faire du Canada un exemple.

Une femme spécialiste des médias est au studio de l'émission de radio C'est encore mieux l'après-midi.

Colette Brin est professeure du Département d’information et de communication de l’Université Laval et directrice du Centre d’études sur les médias. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Tifa Bourjouane

Le Canada n’est peut-être pas un grand marché, n’est peut-être pas un grand risque pour ces plateformes, mais c’est aussi un exemple pour d’autres juridictions qui s’apprêtent à légiférer dans le même sens, ajoute la professeure de l'Université Laval et directrice du Centre d'études sur les médias, Colette Brin, en entrevue à Zone économie.

Les négociateurs américains et européens ont l’avantage de représenter de plus grands marchés, si bien que les réactions face à la loi canadienne pourraient ne servir qu’à influencer le rapport de force dans ces négociations, avance Mme Brin.

L’union fait la force?

L’union fait la force, dit l’adage. Google ajoute ainsi sa voix à celle de Meta dans la contestation de C-18 au Canada. Mais les résultats ne risquent pas forcément de changer pour autant, croit M. Roy.

Dans ses premières déclarations à la suite de l’annonce de Google, le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, a maintenu la ligne dure.

C’est tout à son honneur, relève M. Roy, qui croit cependant qu’il faudra trouver une solution. On a six mois pour la trouver, on a encore beaucoup de temps, mais il faut quand même commencer à y penser dès maintenant.

Pablo Rodriguez, ministre canadien du Patrimoine, à son arrivée à une réunion du caucus libéral en février 2023.

Pablo Rodriguez, ministre canadien du Patrimoine, n'a pas l'intention de céder aux menaces de Meta et Google. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Il note tout de même une nuance dans le discours de Google qui, contrairement à Meta, propose une forme de redevance par une enveloppe déterminée, redistribuée selon les besoins du gouvernement canadien, au lieu de conclure des ententes à la pièce avec chaque média.

Il ne faut pas que M. Rodriguez perde de vue l’objectif ultime de [C-18]. Ce n’est pas de mettre les géants du web à genoux, mais bien que le journalisme canadien soit financé afin d’assurer sa survie, avance Jean-Hugues Roy.

En Australie, les géants du web ont fini par se plier à la nouvelle réglementation. M. Roy estime qu’ils ont intérêt à trouver une entente, puisque sans les contenus médiatiques, l’expérience sur ces plateformes va s’appauvrir.

Pablo Rodriguez.

Entrevue avec le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Ça reviendrait à scier la branche sur laquelle ils sont assis, dit en guise d'illustration Pierre Trudel, professeur de droit de l'information et du cyberespace au Centre de recherche en droit public de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, en entrevue à L'heure du monde.

Si l’information qu’on cherche n’est pas sur Google, les Canadiens vont se tourner vers Bing, signale Jean-Hugues Roy, d’autant plus que le robot conversationnel ChatGPT y est intégré.

En mettant à exécution leurs menaces, Meta et Google présenteraient une image d'entreprises citoyennes irresponsables. Sur Facebook, donne en guise d'exemple Pierre Trudel, ça permettait d'assurer qu'on retrouve autre chose que des fake news et des histoires de petits minous et, en reculant, l'entreprise risque de porter atteinte à sa propre crédibilité.

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