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L'engagement du Canada

Radio-Canada

Jamais, depuis la guerre de Corée (1950-1953), autant de militaires canadiens n'avaient été impliqués dans des combats. Jamais, non plus, l'avenir d'un gouvernement à Ottawa n'avait autant reposé sur le succès de sa politique étrangère.

La mission canadienne en Afghanistan est en train de changer le cours de l'histoire du pays avant même d'avoir trouvé sa conclusion.

La présence, fin 2008, de quelque 2500 militaires dans le sud du pays, dans la province de Kandahar, est autant le reflet de la volonté des gouvernements libéraux et conservateurs successifs que le résultat d'engagements internationaux contractés par le Canada après la chute des talibans.

Depuis l'accord de Bonn de décembre 2001 jusqu'au Pacte pour l'Afghanistan conclu à Londres en janvier 2006, l'armée canadienne constitue un des instruments mis à la disposition d'une vaste coalition visant à rétablir un État afghan.

Ce pacte, qui balise désormais son action jusqu'en 2011, est un vaste plan de reconstruction qui fixe une série d'objectifs quinquennaux, concernant tant la bonne gouvernance que la santé, l'éducation, le développement rural ou la lutte contre la pauvreté.

Le volet sécuritaire du pacte est confié aux membres de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) de l'OTAN, sous l'égide de laquelle agissent les Forces canadiennes en Afghanistan.

En vertu du mandat confié à la FIAS, ses troupes sont appelées à participer d'une façon générale à la sécurité du pays, aux côtés des unités afghanes qui ont jusqu'ici été mises sur pied, ce qui inclut les opérations contre les insurgés.

La lutte contre les insurgés, dans le sud et l'est du pays, a reposé un temps entre les mains d'une coalition sous commandement américain, baptisée opération Enduring Freedom.

Ses quelque 20 000 hommes, pour l'essentiel des Américains, sont passés entre juillet et octobre 2006 sous l'autorité de l'OTAN. Ainsi, à la fin 2008, la FIAS comptait plus de 50 000 soldats, déployés à travers l'Afghanistan, provenant d'une quarantaine de pays.

Le Canada fournit à la FIAS le cinquième plus important contingent. Les principales contributions en troupes sont sinon américaines, britanniques, allemandes et françaises.

Pas d'obligation à combattre

Le pacte ne contraint cependant pas un quelconque pays à accepter des missions de combat. De telles décisions sont prises au sein de l'OTAN, suivant la volonté des pays membres et leur interprétation des obligations militaires découlant du pacte.

Ainsi, plusieurs pays interdisent à leurs contingents de participer à des missions offensives ou refusent d'envisager leur déploiement dans les régions plus instables du sud de l'Afghanistan.

À terme, soit d'ici 2011, le pacte prévoit qu'une armée nationale afghane aura enfin pu être mise en place, mettant ainsi un terme à la présence de troupes étrangères.

Selon un rapport adressé au Conseil de sécurité de l'ONU en septembre 2008 par son secrétaire général, l'armée afghane compte désormais 62 000 hommes, alors qu'elle en comptait environ 47 000 l'année précédente. Confiant, le gouvernement afghan a d'ailleurs révisé à la hausse ses objectifs de recrutement, de 88 000 à 122 000, d'ici 2012.

En outre, pour la première fois depuis la chute des talibans, l'armée nationale assume le premier rôle dans une opération de sécurité dans le pays, à Kaboul.

Mais ce progrès indéniable a lieu au moment même où la situation sécuritaire se dégrade au pays. Après un premier regain d'activité dans le sud et l'est du pays, en 2006-2007, l'insurrection talibane a depuis étendu ses activités dans les provinces voisines de la capitale Kaboul. L'ONU note aussi une multiplication des heurts liés aux activités transfrontalières des talibans depuis le Pakistan voisin.

Le pacte a par ailleurs été adopté juste avant la recrudescence de l'insurrection talibane dans le sud et l'est du pays. Cela peut expliquer que l'on ait été assez optimiste pour s'engager à démanteler, pour 2008, les groupes armés illégaux dans toutes les provinces.

Depuis, plusieurs voix se sont élevées pour que cette ambition soit ramenée à des proportions plus réalistes. En octobre 2008, le général de brigade Mark Carleton-Smith, commandant militaire britannique dans la province d'Helmand, a causé un certain émoi en affirmant qu'il serait « irréaliste » d'espérer une victoire militaire décisive.

Nous n'allons pas gagner cette guerre. Il s'agit de réduire le conflit à un niveau gérable d'insurrection qui ne soit pas une menace stratégique et qui puisse être maîtrisée par l'armée afghane.

Une citation de Le général de brigade Mark Carleton-Smith

Tant le premier ministre du Canada, Stephen Harper, que l'envoyé spécial de l'ONU en Afghanistan, Kai Eide, ont, par la suite, indiqué qu'ils partageaient ce constat. De plus, ce dernier, à l'instar du général Carleton-Smith, estime qu'il faut envisager des négociations avec les talibans, si l'on souhaite atteindre « ce niveau gérable d'insurrection ». Le président afghan est lui-même ouvert à cette éventualité.

Plus optimiste, le général américain David McKierman, commandant des forces de l'OTAN en Afghanistan, réclamait néanmoins avec insistance, une semaine plus tôt, des renforts supplémentaires, à hauteur de 15 000 hommes, pour faire face à l'insurrection.

Le Canada, un engagé volontaire

Le Canada s'est très tôt engagé militairement en Afghanistan. Dès le 20 septembre 2001, le ministre libéral de la Défense de l'époque, Art Eggelton, autorise une centaine de militaires canadiens à participer, aux côtés des Américains, à la lutte contre le régime taliban.

L'annonce est suivie le 8 octobre par la décision du premier ministre Jean Chrétien d'engager dans la lutte des forces aériennes, terrestres et maritimes.

Plusieurs centaines de soldats sont déployés dans la région de Kandahar, entre janvier et juillet 2002, où ils combattent dans le cadre de l'opération américaine Enduring Freedom.

Les forces canadiennes font leur retour en Afghanistan en août 2003, cette fois sous l'égide de l'OTAN, pour être affectées à la protection de la capitale Kaboul et de la région environnante.

Elles y resteront deux ans, jusqu'à ce que le gouvernement libéral de Paul Martin, convaincu par le chef d'état-major des Forces canadiennes, Rick Hillier, accepte que soit confiée aux militaires canadiens la direction d'une équipe provinciale de reconstruction à Kandahar.

Mais c'est seulement à partir du printemps 2006 qu'une partie des militaires assignés à cette province participent à des combats, d'abord dans le cadre de l'opération américaine Enduring Freedom, puis à partir d'août, sous le commandement de l'OTAN.

Depuis, 97 militaires canadiens ont été tués dans la province de Kandahar, la majorité victime des techniques propres à la guérilla comme les bombes artisanales et les attentats-suicides.

Une responsabilité commune

Au moment où les combats commencent à s'intensifier, le gouvernement conservateur à Ottawa décide d'imposer un débat-surprise sur la prolongation de la mission de combat des troupes canadiennes en Afghanistan, prévue à l'origine pour prendre fin en février 2007.

La motion conservatrice, qui prolonge jusqu'en février 2009 la présence canadienne à Kandahar, est adoptée par 149 voix contre 145 le 17 mai 2006 à la Chambre des communes, grâce à une division du vote libéral. Bloquistes et néo-démocrates s'opposent unanimement à la motion.

Ce vote a cela d'inédit que jamais, par le passé, un gouvernement n'avait fait dépendre d'une approbation parlementaire son pouvoir de faire la guerre.

Les gouvernements successifs, dont celui de Paul Martin, agissaient jusqu'ici de façon unilatérale. Cela avait été le cas lorsque les libéraux ont décidé de déployer des troupes dans la province de Kandahar.

C'est cet état de fait qui explique, pour une bonne part, l'importance qu'a prise dans le débat politique la position des différents partis sur le conflit afghan. Les partis d'opposition, qui disposent de la majorité aux Communes, ont désormais la possibilité d'influer de façon déterminante le cours de la mission, ce qui fait d'eux des acteurs, de facto, du Pacte pour l'Afghanistan.

Un autre prolongement

Le Parlement aura d'ailleurs une autre occasion de se prononcer sur le prolongement de la mission canadienne en Afghanistan.

Afin d'obtenir les appuis de l'opposition à la prolongation de la mission, le premier ministre nomme un groupe de travail, formé d'experts indépendants, chargé d'analyser la situation. Il choisit pour diriger le groupe l'ancien ministre libéral John Manley.

Ce dernier présente son rapport le 22 janvier. Il recommande au gouvernement de poursuivre sa mission en Afghanistan au-delà de l'échéance de 2009, sans établir de date butoir.

Cet engagement des Forces canadiennes, précisent les experts, devrait cependant être soumis à deux conditions: le déploiement, par l'OTAN, d'un groupe supplémentaire de 1000 soldats, et le déploiement, avant février 2009, d'hélicoptères et de drones.

M. Manley fait une mise en garde. Si l'OTAN ne trouve pas de partenaire aux militaires canadiens en mission dans la région de Kandahar, le gouvernement canadien pourrait alors informer l'OTAN de son intention de se retirer en février 2009.

M. Harper tente de nouveau de convaincre M. Dion d'accepter une prolongation de la mission au-delà de 2009. Le premier ministre aimerait bien que M. Dion endosse le rapport Manley.

Sur la scène internationale, les États-Unis et le Canada tentent de convaincre les autres membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord d'envoyer des troupes supplémentaires en Afghanistan.

La France accepte finalement d'envoyer 1000 soldats supplémentaires en Afghanistan. Ils seront déployés dans les provinces afghanes frontalières avec le Pakistan, pour combattre aux côtés des Américains dans une région moins dangereuse que Kandahar.

Cette annonce permet toutefois de libérer le même nombre de soldats américains pour venir combattre avec les troupes canadiennes à Kandahar. Ces soldats seront notamment appuyés par des hélicoptères et des drones.

Le déploiement américain semble donc satisfaire les conditions de la prolongation de la mission canadienne, et la valse de négociations avec les partis d'opposition commence à Ottawa.

Le 8 février 2008, le gouvernement Harper dépose sa motion afin de prolonger la mission jusqu'en 2011. Elle sera débattue au cours des prochaines semaines, et le gouvernement en fera un vote de confiance.

À la suite de légers compromis, la motion stipule que le Canada poursuivra sa mission en conformité avec le mandat des Nations unies, mais en mettant de plus en plus l'accent sur la formation de l'Armée nationale afghane, afin qu'elle puisse assurer la sécurité du pays et que l'implication des Forces canadiennes dans les combats soit réduite.

Avec une opposition qui n'est pas intéressée à défaire le gouvernement, les Communes approuvent finalement, en mars, une prolongation jusqu'en 2011 de la mission militaire à Kandahar.

M. Harper n'a toutefois pas indiqué clairement qu'il n'y aurait pas de nouvelle prolongation s'il était reconduit au pouvoir après le scrutin du 14 octobre.

Pas de mission militaire après 2011

Il faudra attendre attendre le 7 octobre, à une semaine du scrutin, pour avoir l'assurance formelle que la mission militaire canadienne en Afghanistan ne sera pas prolongée au-delà de 2011.

Dans sa plateforme électorale, rendue publique le 7 octobre, on peut lire:

« Un gouvernement conservateur réélu dirigé par Stephen Harper continuera à soutenir la mission militaire et de développement du Canada en Afghanistan, et respectera les conditions de la résolution adoptée au Parlement en mars 2008. Selon cette résolution, la mission militaire du Canada à Kandahar se poursuivra jusqu'en juillet 2011, maintenant que l'OTAN et les forces alliées ont accepté d'envoyer des troupes et des ressources additionnelles au Kandahar. La mission militaire du Canada en Afghanistan se terminera à la fin de 2011. »

Si la mission militaire canadienne prend fin en 2011, la présence canadienne dans ce pays, elle, sera maintenue. Au-delà de 2011, les militaires canadiens quitteront les zones de combats pour investir leur énergie dans des missions de formation et de reconstruction.

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